La plume speculaire de Paco Ignacio Taibo II
dans Sombra de la sombra et La vida misma

Nicolas Balutet




Force est de reconnaître que jusqu’à récemment, l’on connaissait peu Paco Ignacio Taibo II, le fondateur du néo-polar mexicain, du moins les études lui étant consacrées se comptaient sur quelques doigts 1. En effet, le genre littéraire dans lequel il excelle est considéré encore aujourd’hui – bien que les temps changent... – comme un sous-genre. Pourtant, dans La vida misma 2et Sombra de la sombra 3, la stratégie narrative de PIT II est différente de la norme du genre policier ou noir 4. PIT II affirme d’ailleurs dans une récente déclaration à Alberto Vital, que lui et d’autres auteurs se sont mis au genre policier “con vocación de romper una estructura genérica” 5. Ainsi, PIT II s’amuse avec les caractéristiques du genre, faisant un clin d’œil par exemple à la chambre fermée de l’intérieur dans Sombra de la sombra (pp. 90-91), à la série de raisonnements déductifs (cf. Los personajes juegan dominó), etc. Il abandonne aussi l’unité de la perspective narrative. Dans La vida misma, roman morcelé en 63 chapitres, on distingue ainsi trois stratégies narratives:

            * Un récit classique à la troisième personne conduit par un narrateur omniscient. Il conte les événements qui se déroulent à Santa Ana 6.

            * Les Notas para le historia del ayuntamiento rojo de Santa Ana qui correspondent à la prise de parole directe du romancier-détective, José Daniel Fierro. Tel un historien, il rassemble des matériaux (inventaire des opposants, enregistrement magnétophonique, etc.) pour comprendre la situation historique de Santa Ana 7.

            * Une série épistolaire constituée de quatorze lettres de José Daniel Fierro à sa femme. Toujours à la première personne, ces lettres introduisent la subjectivité en même temps qu’elles balisent le temps du récit entre le 12 et le 27 avril 8. Elles vont permettre aussi une réflexion sur l’écriture.

Sombra de la sombra suit, quant à lui, quatre fils narratifs:

            * Un récit classique à la troisième personne conduit par un narrateur omniscient. Il occupe trente-trois paragraphes sur les cinquante-sept du roman 9.

            * Los personajes juegan dominó, dix paragraphes où le quatuor de “détectives met sur la table, en plus des dominos, les nouvelles apprises dans la journée 10.

            * Les neuf Bonitas historias que vienen del pasado qui permettent au lecteur de mieux cerner les personnages 11.

            * Les cinq Trabajos que dan de comer 12.

Si cette fragmentation du récit interrompt son déroulement, elle ne le ralentit pas.

Contrairement aux romans policiers ou noirs “classiques”, dans La vida misma la trame est extrêmement lente à se mettre en place: elle ne commence véritablement qu’à partir de la page 83, c’est à dire au vingt-neuvième chapitre où l’on découvre, dans une église, le cadavre d’une jeune femme américaine 13. S’en suivront trois autres crimes dans des endroits tout aussi étranges 14: un cirque pour Manuel Reyna alias “El Oscuro”, un tueur à gage albinos qui reçoit les ordres de la capitale et qui aurait mitraillé durant la manifestation du 20 avril; une station de radio pour Durán Rocha, chef de la police fédérale et gangster; enfin, une baignoire pour Melchor Barrio, cacique priiste qui, du temps où il dirigeait Santa Ana, violait des mineures.

Le traitement du détective, investigateur de crimes, s’écarte aussi de la norme. Si nous prenons le cas de Sombra de la sombra, on ne trouve pas un mais quatre détectives ou pour être plus correct quatre amis qui se retrouvent impliqués bien malgré eux dans la résolution d’une énigme 15. La seule chose qui les motive est la curiosité. Dans La vida misma, l’enquête est confiée à un écrivain de romans policiers à succès 16 que le jeune maire de Santa Ana, Benjamín Correa, vient chercher pour lui offrir le poste de chef de la police de cette municipalité rouge. Mais, comme le protagoniste le dit lui-même, il n’est pas le seul à enquêter, toute la population de Santa Ana participe à la résolution du crime:

La muerta es tan de ellos como nuestra mientras no estorben. (p. 89)
 

-¿Quisiera usted colaboración de la población?
-Sí, vamos a hacer peticiones. Nos urge averiguar quién es la mujer, por lo tanto les pedimos a los habitantes de Santa Ana, que si conocen o vieron a una mujer que corresponda a la descripción, lo reporten de inmediato. Pondremos en el tablero a la entrada del ayuntamiento una foto del cadavér para facilitar la identificación. También querríamos información sobre si alguien vio algo fuera de lo normal hacia las diez de la noche en las afueras del templo de la calle Lerdo. Como la mujer apareció desnuda, si aparecen ropas de mujer tiradas en alguna parte de la ciudad querríamos que se nos informara de inmediato.
-¿Está usted pidiendo, jefe Fierro, que la población se sume a la investigación?
-Así es. Una mujer murió hoy brutalmente asesinada en nuestra ciudad.

Todos somos responsables de encontrar a los asesinos. (pp. 94-95)

D’ailleurs, à l’arrivée des policiers fédéraux, tout le monde quitte l’église en compagnie de Fierro (pp. 90-91). Ces “détectives en herbe” ne résolvent pas l’énigme, la solution – si on peut l’appeler ainsi – arrive par hasard. En cela, le genre auquel appartiennent les deux romans de Taibo est le polar si l’on suit l’opinion de Thomas Narcejac:

C’est ici que le mot “polar” vient créer l’équivoque. Bien sûr, on objectera que le polar conserve l’enquête et veut seulement corriger par une action forcenée la nature par trop cérébrale du R.P. Mais, dès qu’on abandonne l’énigme exactement construite pour le puzzle ou, pire encore, l’imbroglio, dès qu’on remplace par conséquent la rigueur par le tâtonnement, il n’y a plus de détective. Reste un tâcheron de l’enquête qui, au lieu de progresser d’une manière nécessaire vers la vérité, ne la rencontre finalement que par hasard. 17

Depuis peu de temps, disais-je, la critique a porté son attention sur Paco Ignacio Taibo II qui, enfant, laissa derrière lui les côtes cantabriques de Gijón pour les rues de Mexico. En cela, son personnage de Fermín Valencia dans Sombra de la sombra est clairement parodique, d’autant plus que, comme PIT II, il arbore fièrement une superbe moustache et de splendides lunettes:

Fermín Valencia tiene un poco más de treinta años, mide uno cincuenta y cinco y nació en el puerto de Gijón, España; aunque muy desvanecida en la memoria esta aquella costa del Cantábrico, porque a los seis años llegó a México de la mano de un padre viudo que vino a instalarse como impresor en Chihuahua. Necesita lentes para ver de lejos, pero no los usa casi nunca; en cambio porta un bigote más que regular, que, junto con las botas altas y el pañuelo rojo al cuello, son recuerdos de su paso por la División del Norte de Pancho Villa allá por los años 1913 a 1916. Resulta difícil saber a qué atenerse ante un rostro a veces aniñado, a veces rígido por la rabia que le corre por dentro; cuesta trabajo distinguir la broma de la hiel, y mucho más al adolescente cariñoso del hombre torcido y afilado. (pp. 13-14)

Cette utilisation d’éléments réels et personnels de l’auteur dans la fiction est propre à l’écriture de PIT II dans les deux romans qui nous occupent, mais cette caractéristique est plus importante encore. En effet, PIT II va inscrire ses personnages romanesques dans un cadre historique qui apparaît, à première vue, bel et bien exact. Aussi le lecteur se voit-il confronté à la difficile tache de dénouer le faux du vrai, l’illusion de la vérité. Ce n’est pas simple car PIT II est aussi et avant tout historien de part sa formation, et il sait jouer, pour notre plus grand plaisir, des deux facettes. De plus, pour lui, “L’historien est, par essence, un détective privé amateur” 18. Dans une autre interview, il dit de même: “Yo me he formado como historiador y novelista policiaco casi en paralelo” 19. Ces deux déclarations témoignent bien du fait qu’il considère les facettes littéraire et historique comme deux espaces liés voire géminés.

Dans La vida misma, pour convaincre Fierro d’accepter le poste proposé 20, le jeune maire va se servir de l’argument suivant: l’écrivain pourrait s’inspirer du “matériel” bien réel de Santa Ana, autrement dit de ses enquêtes 21. Il pose ainsi le fragile équilibre qu’il peut exister entre une oeuvre littéraire et la réalité. Fritz dit ainsi:

No sólo nos hace un servicio en Santa Ana, sino la cantidad de novelas policíacas que salen de ahí. Tenemos unos crímenes de lo más lucidores [...] (p. 17)

D’ailleurs, c’est ce que fera Fierro explicitant dans les lettres à sa femme Ana, non seulement le contenu de son livre mais aussi sa propre histoire à tel point que le lecteur en est à se demander si le livre que Fierro veut écrire n’est pas celui qu’il est en train de lire:

Es una novela de crímenes muy jodidos, pero lo importante no son los crímenes, sino (como en toda novela policíaca mexicana) el contexto. Aquí pocas veces se va a preguntar uno quién los mató, porque el que mata no es el que quiere la muerte. Hay distancia entre ejecutor y ordenador. Por lo tanto, lo importante suele ser el porqué.

Y entonces esta historia es de varios porqués, pienso. Los personajes no son como dirían mis vecinos de la estación de radio, muy lucidores, son más bien opacos.

Hay un toque de exotismo: una norteamericana, pero parece siempre fuera de lugar, accidental, pescada en una historia que no es la suya.

Hay otros personajes más sordidos, más de todos los días. No es la primera vez que han estado envueltos en un crimen, más bien es la pinchésima vez. [...]

Son del mexicanisimo oficio mexicano de matar por órdenes.

[...]

En esta novela apestan, porque ensucian el paisaje de una ciudad en la que no hay mendigos ni llueve. (pp. 140-141)

Son histoire se met en place au fur et à mesure que l’enquête progresse (pp. 162, 168 et 177).

PIT II nous avertit que la municipalité minière de Santa Ana n’a jamais existé:

No existe la ciudad minera de Santa Ana en el centronorte de México, y por tanto, nunca hubo en ella un ayuntamiento rojo, ni un jefe de policia que escribía novelas policíacas. Esta historia pertenece descaradamente al terreno de la ficción. La enorme mayoría de los personajes no existen más que en las páginas de este libro, e incluso aquellos cuyos nombres o signos dictintivos he tomado prestados de la realidad, dicen cosas que sólo pueden atribuirse a mis fantasías. (p. 7)

mais cet avertissement sert à faire le contrepoint avec le Mexique qui lui est bel et bien réel. Il a réellement existé une municipalité rouge au Mexique, Juchitán dans l’Isthme de Tehuantepec, qui était dirigée par la Coalición Obrera Campesina Estudiantil del Istmo. L’auteur dit: La vida misma está inspirada en el caso de Juchitán, pero como toda literatura es una experiencia traducida. Yo no podía escribir una novela juchiteca porque no soy capaz de hacer una novela sobre Oaxaca. Sólo podía escribir la novela de una ciudad inventada, a partir de una serie de viajes que hice en los 60 y 70 gracias a los movimientos sociales y sindicales de la “zona centro norte del país” 22. Toujours est-il que PIT II s’est fortement inspiré des événements de Juchitán. En effet, dans une interview à Leopoldo de Gyves, le jeune maire de 31 ans, la situation décrite est identique à celle que l’on trouve dans le roman:

Difícil [le futur] “ante el permanente acoso de la policía e, inclusive, de injerencias de elementos pertenecientes al Ejército”. “Se calienta el ambiente político”, reconoce De Gyves, víctima directa de la última agresión al ayuntamiento de Juchitán, en la que recibió dos heridas de posta. “Existe una clara intención del gobierno del estado, del PRI, de los comerciantes, de los terratenientes, en suma de las clases poderosas del estado, para calentar aún más la tensión política juchiteca, por medio de una sistemática provocación”. [...] “Creo que el PRI demostró con esto [agression de paysans] lo que habrá de ser su estrategia, su golpe final: la provocación, la intimidación y la violencia, con base en una campaña realizada por medio de mentiras.” [...] A medida que la situación sea más tensa, se pedirá la presencia del Ejército [...].

De plus, Juchitán ne fut pas un cas isolé. En effet, Santa María Moyotzingo, une ville de 14 000 habitants de l’Etat de Puebla, connut une expérience identique au début des années 80 avec la Coordinadora Popular “Emiliano Zapata”. Victorieuse aux élections municipales, la réaction des caciques et de l’Etat ne se fit pas attendre, semant une vague de violence dans la ville 23.

Dans La vida misma, nous nous situons au milieu des années 80 et l’ennemi va être le PRI dont le lecteur va découvrir ou re-découvrir les réseaux occultes, monstrueux et mafieux, ses alliances avec le pouvoir local et le caciquisme 24. Le roman est la lutte entre deux idéologies différentes et inégales. La OP 25, Organización del Pueblo, qui est une émanation du journal La voz del pueblo fut créée sept ans auparavant par l’actuel maire de Santa Ana, ville de 231 000 habitants qui va être une métaphore de la situation sociale et politique mexicaine. Cette lutte se retrouvera dans le combat symbolique entre la pluie et la lumière. La pluie (premier et dernier chapitres pp. 49 et 147) qui gagne à la fin du roman annonce la fin de l’espoir de l’expérience populaire de Santa Ana 26. Le bilan de la municipalité rouge de Santa Ana est pourtant remarquable. Depuis la victoire de la OP aux élections, le PRI ne laisse pas respirer Santa Ana et essaye de faire capoter l’expérience par tous les moyens. La lutte est, de plus, très inégale car les organes du PRI contrôlent tout. L’opposition se manifeste au niveau économique: retard dans la distribution des fonds municipaux collectés par l’Etat grâce aux impôts, prêts bancaires, routes, cliniques qui ne se font pas, etc.; et aux niveaux publicitaire et sanitaire (pp. 79-80).

Sombra de la sombra présente la société mexicaine des années 20, c’est à dire le moment où le pays sort de la Révolution. Cet événement important pour l’Histoire mexicaine est d’ailleurs très présent dans les discussions des personnages, surtout à travers le poète qui était soldat dans la Division du Nord de Pancho Villa. Le bilan que les personnages en tirent n’est pas très positif. La Révolution n’a pas apporté les changements escomptés: les militaires ont chassé les porfiriens pour occuper leur place et les pauvres restent toujours aussi pauvres (pp. 32 et 128-131). Verdugo, issu d’une famille porfirienne, a coupé les ponts avec les siens et sa classe sociale, après des études en Italie et une thèse de Droit International sur Las aguas territoriales en los canales transoceánicos. Son engagement et même son identification avec les marginaux témoignent de cette rupture. Le roman se situe donc dans cette période post-révolutionnaire du Mexique des années 20 où les généraux trahirent leurs idéaux. Le Plan (fictif) de Mata Redonda 27 va montrer comment les chefs militaires de la Révolution veulent satisfaire leurs propres intérêts économiques en vendant aux compagnies pétrolières américaines des morceaux de leur pays suite à l’article 27 de la Constitution de 1917 qui définit la fonction sociale de la propriété. Cet article stipule que les terres, les eaux et les produits du sous-sol appartiennent à la nation. Le gouvernement peut appliquer le principe d’expropriation indemnisée pour raison d’utilité publique. Le problème agraire serait résolu en mettant fin aux latifundia et en octroyant aux indigènes de petites exploitations. Période de formation du Mexique moderne, les pratiques de corruption sont légion, la bureaucratie se fait de plus en plus pesante à l’image de la reconstruction économique dont la mise en œuvre inquiète les syndicats ouvriers 28. Dans le roman, Tomás Wong, ouvrier dans une fabrique textile de Mexico et syndicaliste, incarne le monde prolétaire et l’anarcho-syndicalisme. Ce roman montre la forte tension et les conflits entre, d’un côté les classes populaires et l’anarcho-syndicalisme et, de l’autre ces fameux militaires issus de la Révolution et qui depuis détiennent le pouvoir. Le crime de San Angel du 20 octobre 1922 marquera le point d’orgue de l’affrontement entre ces deux factions. Cet événement historique qui apparaît dans Sombra de la sombra est l’aboutissement d’une grève de 52 jours des usines de Santa Teresa. Trois agents de la police avaient séquestré Julio Márquez, le secrétaire de la Fédération textile, sous l’ordre de Julio Imbert, le gérant de l’usine. Les émeutes se terminèrent par un massacre. On trouve aussi une autre manifestation (pp. 49-51), inventée celle-ci, qui bien qu’étant pacifique se termine par un lourd bilan: cinq morts et une vingtaine de blessés 29.

L’allusion à des personnes réelles, décédées ou non, donne aussi une impression de réalité. Dans La vida misma, l’on trouve ainsi des stars hollywoodiennes 30 (Robert Mitchum, Woody Allen, Humprey Bogart, Clint Eastwood, Greta Garbo, Jane Fonda, etc.), des chanteurs (Bob Dylan, Carlos Gardel, Joan Baez, Pablo Milanés, Jorge Negrete, etc.), des écrivains, PIT II confessant par-là sa propre intertextualité (George Orwell, Jean-Patrick Manchette, Victor Hugo, Mario Benedetti, etc.) ou bien d’autres personnes importantes 31. Parfois, José Daniel Fierro fait référence à des livres comme Pedro Páramo de Juan Rulfo ou au détective taibien Belascoarán (ce qui de la part de PIT II n’est pas dépourvu d’humour). Dans la librairie d’Esther 32, véritable centre culturel, Fierro trouve des oeuvres qui l’enchantent.

Dans Sombra de la sombra, la référence au mouvement estridentista de Manuel Maples Arce à travers Fermín Valencia est un autre élément qui contribue à rendre réelle la fiction 33. Manuel Maples Arce symbolise l’avant-garde mexicaine du début du XXème siècle. Ce mouvement, proche du Dadaïsme et du Futurisme se proposait de créer une poésie en rupture d’esthétisme, utilisant souvent l’écriture publicitaire:
 

La ciudad insurrecta de anuncios luminosos

flota en los almanaques

y allá de tarde en tarde,

por la calle planchada se desangra un eléctronico. (p. 149)

Pour un lecteur non averti, cette poésie peut sembler des plus burlesques. Les vers de Valencia le sont tout autant à tel point qu’il est parfois difficile de distinguer poésie et publicité. Contre 25 verres d’eau fraîches, il a composé pour le débit de boissons de Simon les vers suivants:
 

Para aguas las de Simón,

no hay más frescas en el rumbo

el que diga que no gustan

de un madrazo me lo tumbo (p. 23)

Voici le florilège de ses meilleures oeuvres publicitaires:
 

Tratamiento de campaña para el piquete de araña (gonorrea), diez pesos en tres días. (p. 67)

Tanlac ha curado a miles de mexicanos en U.S.A. Testigos presenciales dan fe de cómo sus parientes, vecinos y amigos de U.S.A. recobraron la salud y la felicidad por medio de Tanlac, que es el remedio de fama mundial para enfermedades del estómago. (p. 67)

Gonorrea, por crónica que sea. En tres días se espanta: Tratamiento de campaña. Tan seguro como una palabra de honor. (p. 68)

Cuando el cerebro se agota: El cordial de Cerebrina.(p. 68)

Sobre estos colchones se siente uno en una carroza celestial.

Hasta su esposa mejora sobre un colchón Torrelavega.

Los colchones mexicanos sí saben acariciar la espalda de un mexicano. (p. 103)

Hemro de Stuart cura las almorranas que es una enfermedad muy progresista. (p. 263)

Ses véritables poèmes ne sont pas éloignés de cette influence publicitaire:
 

Coso mi alma a la piel

y desespero

la vida se desangra

y a pesar

no ha nacido la Singer que repare

con puntadas precisas

y lo siento

estas cosas de mí

que voy perdiendo

dejando

atrás. (p. 133)

Dans Sombra de la sombra, apparaît de même la relation entre écriture et action: trois personnages mêlent les deux. Pioquinto Manterola 34 qui s’occupe de la chronique rouge du journal El Demócrata contribue par ses talents de journaliste à l’analyse socio-politique dans un pays qui en a bien besoin. Fermín Valencia, le poète, rédige à la fois des publicités et ne dédaigne pas l’usage de la force. Souvenons-nous aussi qu’entre 1913 et 1916, il fut un des soldats de la Division du Nord de Pancho Villa. Enfin, l’avocat Alberto Verdugo y Sáez de Miera dit El verdugo utilise ses compétences professionnelles au service des marginaux et des prostitués. Tomás Wong, le seul à ne pas avoir d’activité liée à l’écriture si ce n’est son projet de créer un journal pour son syndicat, cultive exclusivement l’action. Comme le fait remarquer Laurent Aubagne 35, “Le fait que le personnage de Tomás trouve sa prolongation dans le personnage de San Vicente confirme cette impression que l’Action est la forme populaire d’Ecriture de l’Histoire”. Wong jouit d’ailleurs d’un statut particulier avec l’apparition de Rosa López et d’une intrigue qui lui est propre:

[...] ese chino de 35 años, quien a pesar de haber nacido en Sinaloa habla con la ele, probablemente para afirmar y agredir con su condición a un país en que los chinos son perseguidos de una manera cruelmente absurda. Tomás Wong, ex obrero de una compañía petrolera, ex marino y ex telegrafista, hoy carpintero en una fábrica textil de San Ángel, es habitante de muchos mundos, entre otros el de sus silencios, y el de la lucha sindical más enconada que ha conocido el valle de México desde hace muchos años. (p. 15)

Huérfano de padre y madre a los cinco años nunca había hablado chino, criado por un mestizo hasta los 10 años en Sinaloa y crecido entre mexicanos y gringos en los campos petroleros de Mata Redonda y Árbol Seco, nunca había rondado las importantes colonias chinas de la costa occidental de México, y la de Tampico la conocía desde afuera, como un intruso. Si hablaba con la l comiéndose las erres, era más que nada por el placer de llevar la contraria, por imponer su diferencia. (p. 89)

A travers lui, le lecteur va découvrir l’insoutenable racisme anti-chinois de cette époque 36. Ironiquement, Taibo avait tenu à remercier dans la note liminaire, le président du comité antichinois:

Fulgencio Martínez, presidente del comité antichino de San Pedro de las Colonia, Coahuila. Perpretador de los bodrios propagandísticos de carácter racista más aberrantes (entre 1924 y 1925) en un país en el que cuesta trabajo destacar en la calumnia. (p. 7)

Il est à noter que l’intrigue policière prend sa source dans la région de Tampico d’où est originaire Tomás Wong, ce qui annule en quelque sorte l’idée que ce personnage est extérieur à l’aventure principale. Tampico, région pétrolifère du Golfe du Mexique, était, à l’époque où se situe le roman, une région dynamique et très riche mais où les terres et les généraux s’achetaient sans scrupule.

Pourquoi PIT II veut-il construire l’illusion du réel historique? Tout simplement parce qu’il désire, a contrario, “faire passer pour de la fiction ce qui relève de la réalité” (cf. descaradamente37, c’est à dire que parfois la réalité dépasse la fiction et que, pour le Mexique, les événements politiques et historiques sont dignes de faits romanesques. Comme le remarque judicieusement Anne Charlon 38, “l’une des activités principales du pouvoir mexicain est de donner le fictif pour du réel, il [PIT II] s’interroge sur les frontières existant entre réalité et fiction, confronte dans un tissu fictionnel le réel et le fictif, cherche à redonner du sens aux mots, à créer avec des mots un Mexique, selon lui, réel.” Le choix du polar comme terrain d’écriture peut s’expliquer dans ce contexte dans la mesure où il s’agit d’un genre majoritairement populaire. Les Mexicains, à travers la lecture de ces deux romans, peuvent apprendre et se rendre compte de la situation politique mexicaine, loin des images de Televisa manipulées depuis le pouvoir 39. En cela on peut considérer Paco Ignacio Taibo comme un écrivain engagé. Sartre disait que “la fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s’en puisse dire innocent” 40 C’est exactement ce que fait l’auteur mexicain dans nos deux romans.
 



 

1 A noter cependant l’ouvrage collectif de la Société Belge des Professeurs d’Espagnol, PIT II: polar, miroir de México, Charleroi, 1994. 

2 L’édition de référence est: Taibo II, Paco Ignacio, La vida misma, Txalaparta, Tafalla, 1997. 

3 L’édition de référence est: Taibo II, Paco Ignacio, Sombra de la sombra, Txalaparta, Tafalla, 1996. 

4 Le roman policier qui naît avec Edgar Poe constitue un jeu intellectuel à travers lequel le lecteur est invité à résoudre une enquête. Le roman noir marqué par la crise de 1929 se tourne plutôt vers la psychologie de l’assassin dans une société bouffée par l’argent, le banditisme, la corruption et la violence. Le roman noir entretient un rapport étroit avec le fait divers. On lira avec profit l’article de Marie Cordoba, “Loi et genre dans Sombra de la sombra” dans América. Cahiers du Criccal, n°22, 1999, pp. 179-197. Les normes du roman policier ont été énoncées en 1928 par S.S. van Dine et résumées en huit points fondamentaux par Tzvetan Todorov (“Typologie du roman policier” dans Poétique de la prose, Seuil, Paris, 1980, pp 9-19):

1. Le roman doit avoir au plus un détective et un coupable, et au moins une victime (un cadavre); 2. Le coupable ne doit pas être un criminel professionnel; ne doit pas être le détective; doit tuer pour des raisons personnelles; 3. L’amour n’a pas sa place dans le roman policier; 4. Le coupable doit jouir d’une certaine importance: a) dans la vie: ne pas être un valet ou une femme de chambre; b) dans le livre: être un des personnages principaux; 5. Tout doit s’expliquer d’une façon rationnelle; le fantastique n’y est pas admis; 6. Il n’y a pas de place pour des descriptions ni pour des analyses psychologiques; 7. Il faut se conformer à l’homologie suivante quant aux renseignements sur l’histoire: “auteur:lecteur=coupable:détective”; 8. Il faut éviter les situations et les solutions banales (Van Dine en énumère dix).” On voit facilement que Taibo se moque bien de ces normes. 

5 “Trois déclarations de P.I.Taibo II” dans América. Cahiers du Criccal, n°22, 1999, p. 165. 

6 Ce sont les chapitres 1, 4, 6, 8, 9, 12, 14, 16, 19, 20, 22, 23, 25, 26, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 36, 38, 39, 41, 43, 44, 45, 47, 48, 49, 51, 52, 53, 55, 56, 59, 60 et 62. Ils occupent 60% de la totalité des chapitres. On remarquera au passage qu’à partir du meurtre de l’Américaine (chapitre 29), on trouve une succession de chapitres menés par le narrateur omniscient qui permet d’installer l’ambiance du crime. 

7 Cf. les chapitres 2, 5, 10, 13, 18, 27, 34, 37, 42, 50 et 58. 

8 Cf. les chapitres 3, 7, 11, 15, 17, 21, 24, 28, 40, 46, 54, 57, 61 et 63. 

9 Cf. les chapitres 3, 6, 9, 10, 11, 14, 16, 17, 18, 20, 21, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 32, 34, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 45, 46, 48, 50, 51, 53, 54 et 56. 

10 Paragraphes 1, 4, 8, 12, 19, 26, 31, 44, 52 et 57. Sur la fonction du jeu de dominos, voir l’excellent article d’Arnulfo Eduardo Velasco, “La historia y el dominó: algunas consideraciones sobre Sombra de la sombra de Paco Ignacio Taibo II” dans Ecrire le Mexique: Carlos Fuentes et Paco Ignacio Taibo II, Jean Franco (ed.), Ellipses, Paris, 1998, pp. 182-190. Les quatre hommes profitent des parties de dominos pour apporter les découvertes de la journée. Le domino va jouer ainsi le rôle de métaphore du travail de détective et d’enquête. 

11 Paragraphes 5, 15, 25, 33, 39, 43, 47, 49 et 55. 

12 Paragraphes 2, 7, 13, 22 et 35. 

13 Elle s’appelle Anne Goldin, vit à San José (Californie) et est photographe dans une revue de Los Angeles. Elle a un enfant de six ans, Tommy, dont le père est l’ancien chef des ventes du PEMEX (pétroles mexicains), disparu avec onze millions de dollars deux ans auparavant (p. 178) et qui n’est pas sans rappeler Dîaz Serrano, le Directeur Général des Pétroles Mexicains. 

14 Le premier crime auquel a affaire José Daniel Fierro est celui perpétré par une femme contre son mari. Celui-ci a reçu six coups de machette. Le lecteur ne connaît pas les raisons invoquées pour ce crime mais il peut les deviner: brutalité, mensonges, machisme du mari. Pour la femme, Justice est passée. 

15 Les quatre personnages sont très différents mais aussi complémentaires. Dans leur diversité, ils représentent la société mexicaine du début des années 20. 

16 Remarquez ici la mise en abîme burlesque. Parmi les onze romans qu’il a écrit, on peut citer “La raya”, “La cabeza de Pancho Villa”, “Muerte al atardecer”, “Muertos sin memoria”, etc. Quatre de ses livres ont même été traduits en anglais comme “Notebook” et “All night shooting and dancing”. Il vient de gagner Le Grand Prix de Littérature Policière de Grenoble.
Fierro est heureusement assisté de bons policiers dont il fait une description originale à sa femme. 

17 Narcejac, Thomas: “Avertissement au lecteur” dans Boileau-Narcejac, Le roman policier, Quadrige/P.U.F., Paris, 1994, p. 4. 

18 Guérif, François: “Interview de Paco Ignacio Taibo II” dans Le Magazine littéraire, n°334, juin 1996, p. 54. 

19 “Francisco Ignacio Taibo, novelista e historiador mexicano” dans El País, 23 mars 1992. 

20 Cette proposition arrive à un moment où Fierro a envie de partir: “Cada vez escribía más de irse y, sin embargo, se quedaba”. (p. 13) 

21 Les journalistes de la capitale lui demandent aussi s’il va écrire un roman avec ce qui se passe à Santa Ana (p. 139). 

22 Voir PIT II, “Los recursos de la novela policiaca” dans Esta narrativa mexicana. Ensayos y entrevistas, V.F. Torres (ed.), Mexico, Ediciones Leega, 1991, p. 197. 

23 Voir Robles, Manuel et Ernesto Reyes, “Denuncia el alcalde de Juchitán que priístas y ricos promueven violencias” dans Proceso, n°351, 25 juillet 1983; ainsi que Pimentel Ramírez, Julio, “Un ayuntamiento popular que trabaja y que no agrada a los caciques” dans Por esto!, n°60, 19 août 1982, pp. 46-49. Nous tenons à remercier chaleureusement Yves Aguila pour nous avoir communiqué ces deux articles. 

24 La figure du cacique est ici représentée par Melchor Barrio qui, si littéralement on ne peut pas le voir en peinture, fait l’objet d’une toile exposée sur les murs de la mairie. On le voit en compagnie d’un Ronald Reagan déguisé en diable. 

25 L’OP est une organisation populaire qui n’est pas seulement liée aux partis de la gauche plurielle. Voir page 78 toutes les composantes socioprofessionnelles qui participent à la commémoration de la manifestation du 20 avril. 

26 Souvenons-nous de cette citation de Quevedo dans l’épigraphe du roman:
Y con la lluvia te veras de suerte,
que en lo que te dio vida temas muerte. (p. 11) 

27 Le plan de Mata Redonda est un plan discuté au mois d’avril 1920, c’est-à-direun mois avant la rébellion d’Agua Prieta contre Carranza, entre les militaires mexicains Gómez, Zevada et Martínez Fierro (nom qui rappelle le vrai général Martínez Herrera) et des hommes forts du pétrole comme Edward L. Doheny. Ce dernier est un personnage réel qui fut le représentant au Mexique de El Aguila, l’une des compagnies pétrolières les plus importantes. Il préféra financer une révolution dans le but de renverser Carranza plutôt que de payer les impôts envisagés par le gouvernement. 

28 Dans Sombra de la sombra, il est fait référence à la Confederación General de Trabajadores (CGT) qui naît en 1921 et qui soutient l’action directe refusant toute compromission avec le pouvoir. On parle aussi de la Central Regional Obrera Mexicana (CROM) fondée en 1918 qui, suite à une alliance avec les partisans d’Obregón, eut beaucoup de pouvoir. Les syndicats sont aussi présents dans La vida misma avec la CTM, syndicat allié et manipulé par le PRI. 

29Le Mexique est, par ailleurs, souvent présenté comme un pays de violence:
[...] No he disparado una pistola en mi vida.
-¿A poco? -preguntó Macario, al que no le cabía en la cabeza que todavía quedara alguien en México que no hubiera disparado una fusca. (p. 15)
Et les morts pleuvent:
El chato Madera, al que tiraron de un montecargas cuando iniciaba la organización de los mineros. La muerte de bala perdida de doña Jerónima, vendedora de pollos en el mercado, que cayó en la manifestación del 20 de abril. La muerte de Quintín Ramírez, campesino de 45 años, ahorcado en la puerta de su jacal por los pistoleros de los terratenientes. La muerte de siete niños en una epidemia a fines de los ochenta. La muerte de Daniel Contreras, atropellado por el hijo borracho de Simpson, el gerente de la Santa Ana Mining Co. La muerte de Lisandro Vera, estudiante de derecho nacido en Santa Ana y primer jefe de policía del ayuntamiento popular, baleado al salir de la cárcel. La muerte de Manuel, Obrero de la Cocacola, al que un esquirol pagado por la empresa acuchillo en las guardias de la huelga. La muerte del maestro Elpidio, segundo jefe de la policía del ayuntamiento rojo de Santa Ana, que andaba persiguiendo un camión con mariguana a 15 kilómetros de la ciudad. (p. 19) 

30Fierro dit lui-même que “Este pueblo me está enviando de cabeza al rincón de Hollywood que tenía en una esquina del cerebro” (p. 35). D’autre part, remarquons que le propre nom du chef de la police municipale de Santa Ana, nom qui devrait signifier la force, renvoie caricaturalement à l’univers de Walt Disney. Dans les aventures de Mickey, Fierro est le nom du chef de la police. Son accoutrement (casquette de base-ball et son insigne d’homme-araignée comme Spiderman) renforce cette idée d’auto-dérision du personnage et de l’auteur. L’humour est partout présent comme dans le choix du pseudonyme de l’Américaine assassinée: Jessica Lange, le nom de l’héroïne de King Kong (p. 96). A noter encore qu’on assiste page 50 à un véritable ralenti cinématographique de la scène de la fusillade. 

31 Citons par exemple dans Sombra de la sombra, Vito Alessio Robles (1879-1957), le directeur des journaux El Heraldo de México et El Demócrata, Ricardo Flores Magón, militant antiporfirien exilé aux E.U.; Lucio Blanco (1879-1922), ministre de l’Intérieur du gouvernement formé des suites de la Convention d’Aguascaliente; Ramírez Garrido, chef de la police de Mexico; Fermín Revueltas (1903-1935), jeune peintre muraliste:
[...] muchacho de 19 años [...] joven de mirada intensa, encorbatado, muy blanco y pálido, de labios gruesos y cejas interrogantes que parecía concentrar toda su fuerza en un par de ojos negros [...] (p. 181) 

32 A l’instar de Marc Cooper, journaliste à Los Angeles, de l’avocat Héctor Mercado, de Juan Carlos Canales, de Fritz Glockner et de Carlos Monsiváis, écrivain mexicain contemporain, personnes à qui est dédié le roman, Esther est à la fois une personne bien réelle et un des personnages du roman. 

33Le mouvement prône une esthétique avant-gardiste. Il exalte l’avion, la radio et la photographie au nom d’un hypermodernisme teinté de futurisme et d’expressionnisme, en contraste total avec la réalité mexicaine traditionnelle, indienne et paysanne. Il fait une part importante au monde industriel et ouvrier, n’hésitant pas à invoquer une idéologie du travail, proche de l’anarchisme et du marxisme. L’apparition de la ville, du paysage urbain avec ses câbles électriques et ses cheminées d’usine comme objet pictural, est l’une des conquêtes du mouvement estridentista. Avec lui, et pour la première fois, s’impose l’image de la cité industrieuse, emportée dans les trépidances de la modernité.” Gruzinski, Serge, Histoire de Mexico, Fayard, Paris, 1996, pp. 28-29. 

34 L’inspiration de ce personnage fut le rédacteur anonyme des nouvelles policières de El Demócrata entre 1921 et 1925. 

35 Aubague, Laurent, “Fiction et action dans les romans La vida misma et Sombra de la sombra de P.I. Taibo II” dans Ecrire le Mexique: Carlos Fuentes et Paco Ignacio Taibo II, Jean Franco (ed.), Ellipses, Paris, 1998, p. 147.

36 Voir le discours des trois militaires:
-¿Le sirven a orientales en esta cantina, señor?- pregunta un militar.
-Dicen que son lo más mugroso que hay sobre la tierra, que viven en las tiendas de paisanos suyos y que comparten con las ratas los desperdicios... cuentan que duermen arriba del mostrador [...] (p. 29) 

37 Aguila, Yves, La vida misma: le masque de la fiction” dans Ecrire le Mexique: Carlos Fuentes et Paco Ignacio Taibo II, Jean Franco (ed.), Ellipses, Paris, 1998, p. 160. 

38 Charlon, Anne, “Les investigations tous azimuts de Paco Ignacio Taibo II dans Sombra de la sombra et La vida misma” dans Les langues néo-latines, n°307, 1998, p. 33. 

39 Serge Gruzinski dresse un tableau très noir de l’influence de Televisa au détriment d’autres moyens de communication. “Victoire, comme partout ailleurs, de l’image électronique. A la fin des années quatre-vingt, 93% des téléviseurs de Mexico suivent une chaîne de Televisa aux dépens de la presse écrite. En 1990, pas un seul quotidien ne tire à plus de 100 000 exemplaires alors qu’en 1910, peu avant la Révolution, le journal le plus lu de la ville avoisinait les 150 000 exemplaires. Dans le même temps, l’agglomération était passée de 560 000 à environ 20 millions d’habitants”. “Face à quoi [le pouvoir de Televisa] l’élite du goût et de la culture, celle qui fréquente les théâtres, les ciné-clubs et les concerts, lit et écrit, pèse de moins en moins. Guère plus de vingt mille personnes noyées dans dix millions d’habitants”. Gruzinski, Serge, op. cit., pp. 400 et 381-382. 

40 Sartre, Jean-Paul, Qu’est ce que la littérature?, Folio essais, Paris, 1997, p. 30.